À l’époque de l’URSS, il existait une rivalité tacite entre le Kazakhstan et l’Ouzbékistan, y compris dans le domaine du sport. Ainsi, dans les années 70, un palais des glaces a même été construit à Tachkent, comme pour contrarier les voisins kazakhs, ce qui a valu à la république d’entrer dans le Livre Guinness des records comme la région la plus méridionale au monde où le hockey se développe. Cependant, à l’époque, l’Ouzbékistan n’a pas réussi à atteindre la même gloire dans le domaine du hockey que le Kazakhstan. Aujourd’hui, la situation s’est inversée. Ce sont désormais les Kazakhs qui observent avec une certaine jalousie les succès de leurs voisins qui se sont qualifiés pour la Coupe du monde de football et envoient leurs joueurs dans les plus grands clubs européens. Pourtant, à une époque, la rivalité entre le Kaïrat Almaty et le Pakhtakor Tachkent avait marqué le football soviétique. Fergana a discuté des chances du Kazakhstan de rattraper l’Ouzbékistan avec Alisher Aminov, analyste, expert international en économie et en droit, expert de la FIFA, candidat à la présidence de la Fédération russe de football, concepteur de programmes de développement du football en Ouzbékistan et au Tadjikistan.
— Actuellement, au Kazakhstan, on débat activement du bien-fondé de la décision de faire passer le pays de la Confédération asiatique de football (AFC) à l’UEFA.
— Le passage à l’Europe a été effectué dans l’espoir de renforcer le football national, en pensant que la voie européenne était plus efficace. Mais le temps a montré que, à en juger par les résultats des équipes nationales et des clubs, il n’y a pas eu de progrès. Il y a eu des succès ponctuels : l’essor de l’équipe nationale sous Adiev, la première place dans la phase de groupe de la Challenge League, la tentative de se qualifier pour l’Euro, ou encore la qualification des clubs d’Astana, puis de Kaïrat, pour la phase de poules de la Ligue des champions. Mais on ne peut pas parler de tendance.
De plus, si l’on compare le développement du football en Ouzbékistan et au Kazakhstan, on constate, ces dernières années, un écart notable en faveur du football ouzbek, notamment en termes de succès des équipes nationales, malgré tous les problèmes systémiques non résolus du football en Ouzbékistan.
— Récemment, le président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokaïev, a défini comme priorité le développement du football, ce qui inclut une réforme de la gestion, un retrait du financement direct des clubs par l’État, ainsi que des projets d’infrastructure. S’agit-il d’un tournant ? Quel est le rôle de la fédération dans tout cela ?
— Il est trop tôt pour se prononcer. L’essentiel est de lancer des réformes radicales du système de gestion. Ce sont les acteurs du football, et non les fonctionnaires et les représentants du monde des affaires, qui doivent jouer un rôle clé à cet égard. Le président du Kazakhstan est agacé par les dépenses excessives consacrées au football professionnel et par l’absence de résultats des équipes nationales et des clubs sur la scène internationale depuis de nombreuses années – ce qui constitue déjà un signal. Je le répète, la patience de Tokaïev touche à sa fin, les akimats (administrations régionales et municipales) injectent des sommes colossales dans les clubs, mais ceux-ci ne rapportent rien et n’obtiennent aucun résultat sportif au niveau international. Il n’y a pas de joueurs de haut niveau capables de rivaliser en Europe. Il est évident que le comité exécutif de la Fédération kazakhe de football (KFF), organe directeur prenant toutes les décisions importantes, n’est pas entièrement composée de personnalités du monde du football. Ce comité est dominé par des représentants des grandes entreprises et des pouvoirs publics, et il y a lieu de penser que les décisions discutées et prises peuvent être servir les intérêts d’un groupe restreint de personnes. D’autre part, il y a le problème du degré de préparation des acteurs du football eux-mêmes, leur aptitude à prendre de manière compétente des décisions systémiques cruciales, alors que, pendant de longues années, ils n’ont pas bénéficié de formations adéquates dans les domaines de l’économie et du droit du sport.
 Kassym-Jomart Tokaïev et le président de la FIFA, Gianni Infantino. Photo du service de presse de l’Ak Orda.
	
			Kassym-Jomart Tokaïev et le président de la FIFA, Gianni Infantino. Photo du service de presse de l’Ak Orda.
	
— Par où recommanderiez-vous de commencer les réformes ?
— Il est difficile de donner une évaluation sans disposer d’une analyse complète. Nous avons besoin de données dans tous les domaines : football pour enfants et adolescents, formation de spécialistes, modèle de gestion de la fédération, expertise des lois sur le sport, analyse des compétitions professionnelles. À titre indicatif, il serait utile d’étudier les expériences positives et négatives des récentes réformes en Ouzbékistan.
— Par exemple ?
— Le 7 avril 2023, le président de l’Ouzbékistan, Chavkat Mirzioïev, a signé un décret « Sur les mesures additionnelles pour le développement global du football amateur et professionnel ». Le document contient de nombreuses nouveautés, mais plusieurs points sont discutés par les fonctionnaires d’année en année et ne sont pas résolus depuis des décennies. Au cours des 34 années d’indépendance de la république, plus d’une dizaine de décrets similaires ont été publiés, mais la qualité et l’efficacité de leur mise en œuvre laissent à désirer. Le système prévoit plusieurs niveaux de prise de décision, mais le principal – du moins en Ouzbékistan et au Kazakhstan – reste celui de l’État. Dans quelques pays, ce sont les dirigeants de l’État, et non la communauté sportive, qui s’occupent de ces documents. La hiérarchie étant ce qu’elle est, il est important de comprendre si l’administration présidentielle (AP) du Kazakhstan dispose de spécialistes qualifiés capables de préparer des documents d’expertise professionnels et des propositions sur les questions relatives au sport en général et au football en particulier. Il est évident que la compréhension par le président des problèmes systémiques du football et des moyens de les résoudre dépend de la qualité du travail du ministère des Sports, de la direction de la KFF, du conseiller du président et du chef de l’AP. Si les dirigeants du pays sont prêts à changer le système, il convient de commencer par une analyse qualitative de la situation dans tous les maillons de l’économie du football.
— Quelles sont les options ?
— La structure du football de toute fédération des pays de l’ex-URSS, y compris le Kazakhstan, doit comporter quatre niveaux de gestion : national, professionnel (KFF), régional (fédérations régionales) et junior (formation des réserves). Tous ces niveaux doivent être interconnectés. Pour que le secteur fonctionne efficacement, il faut résoudre les problèmes clés à différents niveaux, avec une compréhension claire des domaines où l’État doit intervenir et de ceux où sa participation est superflue. Il convient d’étudier l’expérience des pays européens développés sur le plan footballistique et, sur cette base, en tenant compte des spécificités locales, d’élaborer des projets assortis de mécanismes d’exécution concrets. Il faut ensuite soumettre le document à la discussion de la communauté du football et approuver une nouvelle stratégie et un nouveau programme de développement lors d’une réunion du comité exécutif ou d’un congrès de la KFF. Ce n’est qu’ensuite qu’on pourra commencer à travailler avec les autorités publiques afin que les propositions faites au président ne soient pas de nature déclarative et populiste.
— Mais il y a tout de même des changements.
— Que voyons-nous actuellement sous le couvert des réformes du football professionnel au Kazakhstan ? L’État, annonce-t-on, vendra les actions des clubs à des entreprises privées. Timour Tourlov, Mikhaïl Lomtadze et Sergueï Kan pourraient racheter les clubs kazakhs, si l’on en croit les déclarations du Premier ministre Oljas Bektenov. Mais des questions se posent. Quel sera l’avenir d’un club racheté par une grande entreprise de la région si les conditions nécessaires ne sont pas réunies ? Existe-t-il des garanties que l’entreprise maintiendra et financera l’équipe de manière permanente si le club existe dans un système économique inefficace ? En l’absence d’un modèle économique fonctionnel, quel sponsor l’État peut-il « désigner », à part les entreprises publiques ? Les entreprises privées ne peuvent être impliquées que sous la contrainte. La vérité reste encore à déterminer. Autrement, si le terrain n’a pas été correctement préparé, les problèmes systémiques non résolus depuis des années sont transférés de l’État aux grandes entreprises.
 Timour Tourlov et l’ancien président de la KFF, Adilet Barmenkoulov. Photo du service de presse de la KFF.
	
			Timour Tourlov et l’ancien président de la KFF, Adilet Barmenkoulov. Photo du service de presse de la KFF.
	
Alors que la grande majorité des clubs étaient financés par les akimats régionaux avec un budget total équivalent à plus de 100 millions d’euros par an, les clubs ne gagnaient presque rien. Pendant des années, on a observé une prédominance de joueurs étrangers de niveau intermédiaire et une absence de flux de joueurs nationaux vers les ligues européennes de haut niveau. On peut tout à fait s’imaginer un scénario dans lequel les clubs rachetés, au bout d’un an, dissuaderont les entreprises et seront perçus comme une « charge sociale ». Une partie des clubs pourrait se retrouver sans propriétaire et se dégrader, les budgets seraient réduits, les footballeurs et les académies en pâtiraient.
L’idéal serait que l’État prenne des décisions de principe et que les régulateurs élaborent un système qui aide les clubs à survivre. Sans cela, on pourrait aboutir à une situation similaire à celle de l’Ouzbékistan : trois ans après la décision du président ouzbek de privatiser les clubs, aucune entreprise privée n’a racheté la moindre équipe. Même l’usine métallurgique de Bekabad et le seul club privé, le FK Turon Yaypan, ont refusé de financer les clubs, qui ont commencé à fermer. Aucun club kazakh ne peut, pour l’instant, être considéré comme un actif financièrement prometteur : il ne couvre même pas 10 % de ses dépenses, les revenus provenant des droits télévisés sont pratiquement inexistants et la fréquentation des stades pose également problème. En fin de compte, les grandes entreprises, affiliées d’une manière ou d’une autre à l’État, couvriront les dépenses des clubs à partir du budget public par le biais d’appels d’offres et de commandes publiques.
— Qui voyez-vous à la tête de la ligue de football professionnel du Kazakhstan ?
— Il est difficile aujourd’hui de trouver dans le pays un spécialiste capable d’améliorer radicalement le fonctionnement de la ligue. Dans un premier temps, l’une des meilleures options serait, d’après moi, d’inviter un groupe de managers européens issus de pays développés sur le plan footballistique et ayant connu des succès dans les ligues de haut niveau. Mais faire venir en masse des managers étrangers sans créer son propre système de formation de spécialistes n’est pas vraiment efficace. Dans ce cas, la direction de la KFF et de la KPL (Kazakhstan Premier League) devra changer : les professionnels indépendants ne s’intégreront pas dans la structure verticale actuelle, mais commenceront à mettre de l’ordre. Au début, cela coûte cher et c’est douloureux, mais les coûts liés à la création d’une ligue forte seront ensuite largement amortis.
Si l’on doit dépenser de l’argent, ce n’est pas pour embaucher des entraîneurs étrangers, mais des gestionnaires hautement qualifiés. Le développement du football dépend en grande partie du système de formation du personnel de gestion de la KFF, des fédérations régionales, des clubs et des ligues, en particulier des cadres supérieurs. Il serait logique de lancer un programme spécialisé s’étalant sur deux années et des cours de perfectionnement. Oui, la FIFA et l’UEFA ont des programmes pour les managers, ils sont utiles, mais les cursus de courte durée sont peu adaptés aux besoins du football kazakh et ne résolvent pas les problèmes les plus graves. L’avenir nous dira si la direction de la KFF est prête à aborder cette question. Des mesures judicieuses donneront des résultats à relativement court terme. Tous les pays ont des problèmes de gestion, la question est de savoir : à quel niveau se situent-ils et quels sont les mécanismes pour les résoudre ?
— Qui d’autre faut-il former dans le football kazakh ? La KFF a-t-elle son propre programme de formation et qui l’a élaboré ?
— Il n’y a pas encore de réponse. Les postes de direction dans les fédérations régionales, les ligues, les clubs et les écoles sont souvent occupés par des personnes sans formation ni qualifications dédiées, ce qui est contraire à la politique de la FIFA et de l’UEFA et conduit souvent à une corruption systémique. Les entraîneurs en pâtissent également, contraints de faire face à l’incompétence des dirigeants des clubs et d’assumer des tâches organisationnelles en plus du processus d’entraînement. Les clubs n’apprennent pas à créer du spectacle, ne se battent pas pour attirer l’attention des supporters et ne nouent pas de relations avec les sponsors. Les facteurs de motivation du marché – concurrence, orientation client, innovation – fonctionnent mal.
Dans les pays de l’ex-URSS, je propose en priorité un ensemble d’initiatives législatives. Par exemple, il faut une loi sur les mesures de soutien aux équipes sportives professionnelles financées par les budgets régionaux et les entreprises publiques. Pendant la période de transition vers la privatisation des clubs, un tel document définira les principes, les types de soutien et les mécanismes de contrôle de l’utilisation ciblée des fonds. La transparence des budgets est une exigence de l’UEFA et un pas assuré vers l’autofinancement.
— Quel document devrait servir de base aux clubs en matière financière ?
— Le règlement financier de la KFF. Il doit introduire une limitation des salaires et autres rémunérations, établir la responsabilité personnelle des dirigeants en cas de violation du règlement, des décisions des instances juridictionnelles de la KFF et du Tribunal arbitral du sport (la question de l’existence d’une telle instance au Kazakhstan reste ouverte), prévoir une évaluation périodique des dirigeants, décrire le travail du Comité de contrôle financier, exiger une preuve documentaire de la solvabilité financière des clubs, et fixer des limites aux dépenses liées aux transferts, à l’entretien des joueurs, etc.
— Où se situent actuellement les problèmes les plus graves et pourquoi ?
— Les équipes nationales, juniors et jeunes du Kazakhstan affichent une dynamique négative constante. La science sportive dans la plupart des pays de l’espace post-soviétique, y compris le Kazakhstan, est en ruines. Les entraîneurs pour enfants s’appuient sur des manuels étrangers ; les publications spécialisées sont rares, il ne reste plus de chercheurs locaux spécialisés dans la théorie et la méthodologie du football. Les conférences scientifiques et méthodologiques sont extrêmement rares, les entraîneurs professionnels ont oublié leur travail de conférenciers. Aucune université au Kazakhstan ne forme, à un niveau fondamental, des juristes, des médecins ou des psychologues du sport.
— Pourquoi les investissements financiers importants ne donnent-ils pas de résultats systématiques ?
— Le modèle économique des ligues est inefficace. Les fonds publics conduisent souvent à une dégradation : ils créent une dépendance chez les dirigeants des clubs et les membres de la KFF, et encouragent l’attente de subventions. Le principal atout commercial du football professionnel au Kazakhstan est le footballeur lui-même. On peut affirmer avec certitude qu’en créant les conditions nécessaires à la production et à la vente, les footballeurs kazakhs pourraient au moins compenser une partie des dépenses à court terme. Cependant, la FIFA et l’UEFA ne respectent pas toujours leurs propres règles statutaires. Le système peut être changé en unissant les forces vives.
— Où vont les budgets dans la pratique et à quoi cela mène-t-il ?
— Des millions provenant des impôts disparaissent dans un « trou noir » : l’entretien des clubs, des nombreux joueurs et entraîneurs étrangers, l’imitation de progrès pour obtenir une place dans tout en bas de la première centaine mondiale. Cet argent n’arrive pas jusqu’aux médecins et formateurs, aux chercheurs et aux entraîneurs d’équipes juniors. Trop de « légionnaires » étrangers médiocres sont passés par les clubs kazakhs, entraînant des dépenses pour des transferts, des salaires et des primes. Les ligues ne se développent pas, les objectifs sont vagues, l’écart entre les revenus et les dépenses est chronique, et à chaque fois, tout se termine par un recours au gouvernement. Un propriétaire privé ne gardera pas longtemps les clubs s’il n’y a pas de règles de compensation d’une partie des coûts. En l’absence de responsabilité, les dirigeants répètent les mêmes erreurs. Les investissements publics deviennent une source d’enrichissement personnel et un instrument d’influence. Des fonctionnaires loyaux sont nommés à des postes clés, puis les ressources administratives sont mobilisées, des décisions illogiques sont prises, des lois inefficaces et des licences fictives sont appliquées, et le manège tourne jusqu’au prochain changement de direction. D’où le cercle restreint de candidats à l’équipe nationale et le faible niveau de jeu. Malgré les slogans sur la responsabilité sociale, l’argent des akimats et des entreprises publiques disparaît souvent dans la nature.
— Quelles mesures l’État et la KFF doivent-ils prendre dès maintenant ?
— Il convient d’élaborer un mécanisme juridique de financement et d’en fixer les paramètres. Il faut interdire le paiement des transferts à partir du budget national. Pendant la période de transition, les fonds provenant des akimats doivent être versés sur des comptes séparés et utilisés à des fins très précises : l’organisation de compétitions, l’entretien des écoles et l’amélioration des infrastructures. Les transferts ne doivent provenir que des revenus réels des activités footballistiques ou de sources privées. Dépenser plus de 100 millions d’euros par an rien que pour les clubs professionnels est immoral. Je suis d’accord avec la position du président du Kazakhstan sur ce point. Le modèle actuel profite à ceux qui abusent du système plutôt qu’à ceux qui le développent. Je le répète, la priorité doit être donnée à la vente systématique de joueurs vers les ligues européennes plus fortes, plutôt qu’à des subventions sans fin.
— Comment accroître rapidement la popularité et la portée avec des ressources limitées ?
— Dans le mini-football. Toutes les écoles et universités disposent de salles de sport. Il faut créer des sections permanentes, des ligues scolaires et universitaires pour les garçons et les filles, ainsi que des tournois étudiants. C’est un point d’entrée abordable et crucial. Pour ce qui est de la formation d’une réserve de joueurs professionnels, il est nécessaire de créer un système à trois niveaux au niveau national, un réseau de centres régionaux et locaux de football. C’est précisément la voie suivie par tous les pays européens développés sur le plan footballistique.
— Que faut-il évaluer avant de lancer les réformes ?
— Un audit complet du secteur : l’état du football pour les enfants et les juniors, la formation du personnel et le modèle de gestion de la KFF, le cadre juridique sportif, l’économie des compétitions professionnelles. Ensuite, il faut élaborer et lancer un sous-programme public de développement du football dans le cadre du programme sportif actuel, créer des centres régionaux, rénover les stades, mettre en place des parcours de formation pour les managers, les entraîneurs, les médecins, les juristes et les psychologues dans les universités kazakhes. Un dialogue professionnel ouvert entre la KFF et l’État est nécessaire.
— Suffit-il d’écrire un programme idéal pour que tout fonctionne ?
— Non, cela ne suffit pas. La mise en œuvre n’est possible qu’avec un changement du système de gestion. Il faut renouveler la composition du comité exécutif, renforcer les comités et les groupes de travail avec des professionnels, consolider la collégialité des décisions et la responsabilité personnelle. Le problème est qu’en trente ans, la communauté du football a été habituée à une hiérarchie rigide et à un rôle de majorité silencieuse. Mais on peut changer cela avec des règles transparentes et un contrôle réel.
— L’acquisition d’un club peut-elle devenir une activité rentable ? Si oui, comment ?
— Le football est un domaine dynamique. Les joueurs changent constamment de club et de pays, ce qui crée de fréquents points de monétisation : nouveaux contrats, primes, droits à l’image. Il existe un fossé énorme entre les académies et le football professionnel. Beaucoup de jeunes talents partent non pas par manque de capacités, mais par manque de financement. La question principale est la suivante : les clubs kazakhs considèrent-ils le développement des juniors comme un élément central de leurs stratégies financières et sportives ? Les académies peuvent-elles fonctionner comme des plateformes d’investissement rentables et hautement lucratives ? La chaîne idéale est la suivante : repérage précoce, développement au sein du système, intégration dans l’équipe principale et vente à un prix fort.
— Comment fonctionne ce schéma ?
—
Le modèle fonctionne comme suit : un footballeur est recruté dans une académie ou déniché grâce au « scouting », sa valeur est augmentée grâce à son développement et à sa notoriété, il est vendu au moment opportun et l’argent est réinvesti dans le cycle suivant.
Les académies des clubs performants fonctionnent généralement comme des plateformes d’investissement autonomes et très rentables. Les joueurs sont repérés à un stade précoce, développés au sein du club, intégrés dans l’équipe première et vendus au prix maximum, généralement après avoir participé à des compétitions internationales au sein de clubs et d’équipes nationales. Cette approche est structurée, ciblée et reproductible. Ces clubs ne se contentent pas de former des joueurs, ils les vendent intelligemment. Les clubs de haut niveau ont toujours attiré des joueurs talentueux, mais trop souvent, ces talents étaient gâchés : ils ne jouaient pas, n’étaient pas vendus et ne rapportaient pas d’argent. Avec une structure adéquate, les clubs peuvent transformer leur système de formation des jeunes en quelque chose de plus qu’une simple chaîne de production. Ils peuvent devenir une plateforme qui produit des joueurs, génère des profits et crée de la valeur à long terme. En contrôlant le processus et en y participant au-delà de la simple phase de transfert, les clubs performants garantissent que chaque joueur formé s’intègre dans le mécanisme économique à long terme du club.
— Avez-vous des exemples concrets ?
—
Au cours de la dernière décennie, les clubs français ont tiré plus de revenus des transferts internationaux de joueurs formés au club que n’importe quel autre pays au monde. Entre 2014 et 2024, ils ont gagné 3,98 milliards d’euros grâce à la vente de joueurs formés dans le pays. Cela représente en moyenne près de 400 millions d’euros par an, ce qui souligne la position dominante de la France dans le domaine de la formation et de l’exportation de joueurs. Seuls le Brésil (2,60 milliards d’euros) et l’Espagne (2,24 milliards d’euros) ont dépassé la barre des 2 milliards d’euros, tandis que les six pays suivants – le Portugal, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Allemagne, l’Italie et l’Argentine – ont seulement dépassé le milliard. Cela montre que le marché international des jeunes talents formés dans les académies est devenu une source de revenus essentielle pour les clubs, en particulier ceux qui ne font pas partie de l’élite du marché financier européen.
Dans de nombreux cas, le développement et la vente de jeunes joueurs sont devenus une partie importante du modèle économique, éclipsant même les récompenses pour les succès sportifs en tant que tels. Les chiffres montrent que les transferts de joueurs locaux âgés de moins de vingt ans représentent près d’un tiers du revenu mondial total, et cette tendance est particulièrement marquée dans des pays tels que la Serbie (64,7 %), le Brésil (50,1 %), le Danemark (48,4 %), la Suède (47,9 %) et la Belgique (43,8 %). Ces données cachent une réalité : les transferts internationaux précoces ont une incidence sur la carrière des joueurs et l’économie du football junior. Les données du CIES (Centre international d’études du sport) indiquent également que dans certains pays, notamment en Amérique du Sud et sur les petits marchés européens, le système est orienté vers l’exportation. Dans ces pays, les principales académies servent de centres de formation pour les plus grandes ligues européennes.
— Pourquoi la France est-elle en tête ?
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La supériorité de la France témoigne de l’existence d’une infrastructure académique vaste et complexe, qui comprend des centres nationaux et régionaux tels que Clairefontaine, Castelmoron, Châtellerault, Dijon, Marseille, Ploufragan, Vichy et Reims, ainsi qu’un réseau étendu de programmes de développement dans deux ligues professionnelles. La capacité de la France à former régulièrement des joueurs de haut niveau, de Mbappé à Camavinga en passant par Koundé et Tchouaméni, assure non seulement le succès systématique des équipes nationales, mais contribue également à la prospérité du marché d’exportation, dont dépend la stabilité financière de nombreux clubs.
Mais la France n’est pas la seule à se démarquer. Le club portugais Benfica gagne chaque année plus de 100 millions d’euros grâce aux jeunes et à la revente de joueurs. Le FC Porto réalise régulièrement des ventes de 60 à 90 millions d’euros. Le club allemand Bayer fait également état d’environ 100 millions d’euros de recettes. Cela se fait de manière cohérente, les ventes ne concernent pas uniquement les stars. Leny Yoro en est un exemple marquant : il s’est imposé dans l’équipe première de Lille avant l’âge de 19 ans, jouant plus de 2 500 minutes, et son transfert s’est élevé à 62 millions d’euros. L’exemple de Florian Wirtz est également révélateur : il a fait ses débuts en Bundesliga à 17 ans et, à la fin de la saison 2024/25, il avait joué plus de 10 000 minutes au niveau senior. En juin 2025, le Bayer l’a vendu à Liverpool pour 100 millions de livres sterling, avec des paiements supplémentaires pour un montant total allant jusqu’à 116 millions de livres (environ 136 à 150 millions d’euros). Ces exemples montrent qu’un joueur qui se voit confier des responsabilités et un temps de jeu régulier dans des conditions contrôlées augmente rapidement sa valeur marchande et attire des acheteurs de haut niveau. Beaucoup partent sans avoir joué une seule minute au niveau professionnel : ils perdent en visibilité, cessent de progresser et ne rapportent rien sur le plan économique, malgré plusieurs années d’investissements.
— Comment cela s’applique-t-il au Kazakhstan ?
— Avec un système efficace de formation des réserves, le football kazakh, riche en talents, pourrait mettre en place une « production » de joueurs à la chaîne. Cela permettrait non seulement de compenser les coûts engagés par l’État et les entrepreneurs pour leur formation, mais aussi de faire d’excellentes affaires. Il est certain qu’il faut former des réserves de qualité. L’attitude envers le sport et le football reflète le niveau de culture et d’éducation d’un pays donné. Le public et les supporters perçoivent le football comme un simple jeu, ce qui est logique, mais la simplicité n’est pas synonyme de primitivisme. Cette question est sans aucun doute politique, sensible et touche les intérêts les plus divers de l’élite au pouvoir.
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